Zorna et karkabou. Déconstruire un pays, c'est déconstruire son peuple.
Est-ce que les Algériens et Algériennes perdent de l'intérêt pour les élections ? On partage des recettes de cuisine, on discute de football, on évoque le passé politique que les moins de ??? n'ont pas connu, on taquine nos amis et leur souhaite un joyeux anniversaire, on critique Air Algérie, on dénonce le prix du poulet, mais rarement celui de la viande, on exprime notre amour pour l'équipe nationale avec passion, on refait le monde, on avoue notre aversion pour les fraises... Mais rien sur les candidats et les campagnes sans originalité, leurs promesses et leurs discours vides, leur manque de charisme, leurs tactiques empruntées à d'anciennes recettes populistes qui ont lamentablement échoué. Les électeurs potentiels semblent absents, les salles restent vides sans écho.
On ne ressent pas cette effervescence typique des élections, cet esprit de fête, cette ambiance zornatesque et karkabou, qui était la marque de fabrique du vieux parti unique, responsable des députés d'avant le "cachir". Vingt ans de corruption à tous les niveaux de la société et dans toutes les strates des institutions ont laissé des séquelles ! Moi, nostalgique de l'article 123 ? Vous exagérez ! Mais il faut admettre que l'atmosphère était festive, joyeuse, un peu champêtre, avec cette touche de patriotisme décati qui la rendait unique. Le pays était gouverné par des ordonnances, il avait des plans de développement et un président qui fumait des havanes roulés sur les cuisses des cubaines.
Puis sont arrivées les périodes de désindustrialisation "scientifique", de la prolifération des partis croupions (plus on est de fous, moins on rit), du marché chaotique, du "PAP" sans fumée blanche et sans panache, du slogan "ça passe ou ça casse", de l'économie libérale et de son avatar informelle, ses promoteurs avides en costumes trois-pièces, de la guerre civile et du club des Pins... Nous connaissons la suite. Étrangement, chez nous, tout est au pluriel, et le choix semble impossible. Parfois, je tourne mon regard vers la Chine immense, la Russie imperturbable, le Vietnam vaillant et la forteresse cubaine anti-impérialiste, mais cela, c'est une toute autre histoire.