2019, l’UE et les trois mousquetaires du roi

Publié le par Loeil de Tibar

2019, l’UE et les trois mousquetaires du roi


2014, début de la chute dans les abysses de l’économie algérienne, suite à l’incompétence des gouvernants et la prédation de sa clientèle politico-financière. Pour faire remonter à l’Algérie les parois abruptes du gouffre dans lequel ils l’ont précipité, ils projettent de restreindre les importations, dont la facture a triplée en dix ans, enrichissant au passage, grâce aux surfacturations, un bon nombre de malfrats qui représentent aujourd’hui le côté obscur de la force.
Le gouvernement dit vouloir durcir le contrôle de son commerce extérieur en introduisant des licences d’importation pour certains produits - électroménagers, téléphones mobiles et produits cosmétiques - qui pèsent lourd dans la balance commerciale. Ces mesures sont un élargissement des licences de 2016 - véhicules, ciment, barres d’armature et fil-machine en acier – qui font réagir l’Union Européenne, par la voix de Cecilia Malmström, commissaire au commerce : « beaucoup des choses de ce qu’ils font ne sont pas en conformité avec l’accord signé avec l’Algérie ». Redoutant de croiser le fer avec les instances de l’Europe à quelques encablures des prochaines élections présidentielles, le pouvoir envoie au charbon trois mousquetaires, le Conseil national économique et social [CNES], le Forum des chefs d’entreprise [FCE], l’Union générale des travailleurs algériens [UGTA]. À son tour, le vice-président du CNES, Mustapha Mékideche, juge « paradoxales » ces remarques de la dirigeante européenne, parce que, dit-il, « exprimées à un moment ‘’mal choisi’’ » - comme s’il existait de bons et de mauvais moments - et « ne pas comprendre que l’UE s’aventure à mettre les pieds dans le plat » pendant que sont conclus de gros contrats avec l’Italie dans le domaine des hydrocarbures et des entreprises européennes dans le secteur de l’automobile. Pendant ce temps Ahmed Ouyahia marmonne que ces mesures dureront au maximum trois années, durée nécessaire pour maîtriser les importations qui ont atteint un pic de 60 milliards de dollars en 2012.
Mais pour l’ogre européen, troisième producteur mondial de viande bovine 1, « l’Algérie représente, en effet, un gros potentiel en matière – de viande bovine – ingrédient qui demeure indispensable dans la gastronomie algérienne. Lors des grands évènements (mariages, naissances, réceptions, le mois sacré du Ramadhan etc.), la viande est un aliment incontournable que l’on retrouve dans la majorité des plats. » Il ne manque plus que la zorna et les pétards... Ainsi, l’Europe perçoit l’Algérie comme un pays fêtard avec ses quarante millions de ventres à repaître avec cette bonne « viande bovine européenne réputée par ses hautes valeurs nutritionnelles et sa grande variété de goûts qui ravissent le plus exigeant des consommateurs. » Ses démarcheurs déclarent, sans rire, à Alger, à quelques jours du mois de Ramadhan, que « la production de la viande bovine européenne est aussi caractérisée par une découpe minutieuse et anatomique unique... ».
La saillie de la commissaire européenne au commerce tombe comme un cheveu dans la soupe du régime, avec cette invitation du FLN appelant le président Bouteflika à postuler pour un cinquième mandat en 2019. Il n’y a point de hasard en commerce comme en politique. 2019 est un horizon qui intéresse ‘’nos amis européens’’, « oubliant, peut être, que les pays forts peuvent se permettre toutes les décisions qu’ils veulent sans craindre la riposte des autres pays, alors que des pays faibles, économiquement, doivent s’attendre à une riposte qui ferait mal à leurs économies. En tout cas, on voit bien à travers la sortie du FCE et de l’UGTA que c’est la panique au sein des autorités algériennes, qui ont peur que l’UE prenne des mesures de riposte qui peuvent ne pas se limiter à la seule chose économique, pour déborder sur le volet politique, comme par exemple des tentatives d’influer sur le choix du prochain président de la République. »2
L’Europe n’apprécie pas non plus les accords conclus avec la Chine et la Russie, pouvant la supplanter au moins sur le plan commercial. Avec la Chine c’est l’idylle, une discrète amourette qui dure depuis la guerre de libération nationale. La Chine apporte de l’argent et des maçons, sans s’encombrer d’états d’âme, faisant d’elle une concubine idéale. Elle est devenue le premier partenaire économique d’Alger (4,95 milliards de dollars), devançant la France et l’Italie.
La Russie a maintenu les liens construits durant la période soviétique, notamment dans le domaine militaire, en fournissant à l’Algérie 80 % de son matériel militaire. Les deux pays coopèrent dans le domaine spatial, et un accord sur le nucléaire civil a été conclu en septembre 2014. Pendant la guerre civile, malgré ses propres difficultés, ce pays fut un des rares soutiens internationaux d’Alger. La perspective d’importer du blé russe, qui serait moins cher et de meilleure qualité que celui de l’Europe, suscite le mécontentement de la France, son traditionnel premier fournisseur. Pour l’Europe, l’Algérie est un marché considérable qu’il ne faut pas perdre.
Il se profile derrière les réserves européennes une politique qui consiste à isoler la Russie, et réduire en même moment la marge de manoeuvre de l’Algérie, pour ses désaccords avec la politique hostile de certains pays européens menée contre la Syrie. Recourant à leurs alliés arabes, parmi ceux qui oeuvrent contre Damas, l’Irak et le Yémen, les occidentaux ont tenté d’engager l’Algérie dans la campagne de déstabilisation du Moyen Orient. Il s’agit là de l’un des rares principes que l’Algérie fidèle à Novembre 1954 ne monnaye pas. C’est pourquoi l’Algérie reste dans leur collimateur.

1 20% de cette production provient de la France, premier producteur européen.
2http://directealgerie.com/index.php/actualite/1101-critiques-de-l-ue-contre-l-algerie-le-gouvernement-envoi-ses-soldats-au-front 

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